Récit du voyagne ADAGIO-SAF par Patrick Martinez.
Lors de l’éclipse totale de Soleil du 8 avril 2024, l’ombre de la Lune entrait sur le continent américain par la côte Pacifique du Mexique, puis se dirigeait vers le nord-est en traversant le nord du Mexique, les Etats-Unis du Texas au Maine, puis le Canada, du Québec à Terre-Neuve.
Un voyage de groupe a été organisé par l’association d’astronomie ADAGIO et la SAF pour observer cette éclipse.
Comme toujours en pareil cas, la planète entière veut se rendre au même endroit le même jour, d’où la nécessité de réserver les moyens de transport et les hébergements très longtemps à l’avance. Côté météo, on ne peut alors se fier qu’à des statistiques, en particulier les statistiques de couverture nuageuse obtenues à partir d’images satellitaires. Dans le cas présent, les statistiques donnaient une espérance de ciel dégagé à 80 % sur le Mexique, une dégradation marquée dès l’entrée au Texas, et une couverture nuageuse attendue de plus en plus forte en allant vers le nord-est. Il a donc été décidé d’observer l’éclipse depuis la ville mexicaine de Mazatlán, station balnéaire au bord du Pacifique, qui présentait les avantages d’être proche de la ligne de centralité, d’avoir une grande capacité hôtelière, et de bonnes conditions de sécurité (Mazatlán est classée « jaune » sur le site du ministère des Affaires Etrangères, alors que la région autour est classée « orange », ainsi que l’essentiel du parcours de l’éclipse au Mexique).
Mazatlán
Le groupe ADAGIO-SAF, fort de 35 observateurs, est arrivé à Mazatlán la veille de l’éclipse, et avait un bus à sa disposition pour la journée de l’éclipse afin de pouvoir se déplacer en fonction des conditions météorologiques. Par ailleurs, un emplacement pour le groupe avait été réservé auprès de la « Sociedad Astronómica Mazatláneca » qui gérait un espace dédié aux photographes de l’éclipse dans un parc au centre de Mazatlán. Des dizaines de milliers d’observateurs de l’éclipse étaient présents à Mazatlán, y compris le Président du Mexique !
Mais la « loi de Murphy » a encore frappé : les prévisions météo pour le jour de l’éclipse donnaient une perturbation en grande partie alignée sur le trajet de l’ombre de la Lune, depuis le Mexique jusqu’au nord-est des Etats-Unis ! Mais le Mexique n’était globalement concerné que par des nuages d’altitude ; encore fallait-il qu’ils ne soient pas trop épais. Les prévisions météo prises la veille de l’éclipse confirmaient une bande nuageuse s’étendant progressivement vers le sud de la bande de totalité, et de moins en moins dense en allant vers le sud ; d’après ces prévisions, au moment de la totalité, il suffisait d’être au sud juste en dehors de la bande de totalité pour échapper aux nuages !
En route vers Cacalotán
Les déplacements possibles étaient assez limités : une route s’enfonce vers l’intérieur des terres, en suivant la ligne de centralité, mais c’est une route de montagne, ne permettant pas des déplacements rapides et présentant peu d’endroits pour s’installer ; de plus les prévisions météo la veille de l’éclipse étaient plus pessimistes en s’éloignant de la côte ; donc cette option a été abandonnée. Les autres déplacements possibles étaient le long de la bande côtière, donc perpendiculaires à la ligne de centralité, dont il ne fallait bien entendu pas trop s’éloigner.
Dans ces conditions, il a été décidé la veille au soir d’abandonner le site de Mazatlán, situé légèrement au nord de la ligne de centralité, et de chercher un site d’observation le long de la côte, au sud de la ligne de centralité, le plus au sud possible pour échapper au mieux aux nuages d’altitude, mais pas trop pour garder un temps confortable de totalité ; les autres critères étant un site pouvant accueillir un bus et 35 observateurs dans de bonnes conditions d’installation et de sécurité, et pas trop loin de l’hôtel de Mazatlán car les embouteillages un jour d’éclipse rendent parfois les déplacements difficiles. Plusieurs options ont été étudiées, et finalement, le groupe a choisi d’aller observer dans le petit village de Cacalotán, sur l’invitation d’un ami du chauffeur du bus.
La situation géographique de Cacalotán correspondait à un bon compromis géographique tel que défini plus haut ; l’installation sur la place du village a été très confortable, et l’accueil de la population des plus chaleureux. L’éclipse a été un grand moment de communion entre les astronomes français et les villageois mexicains, et c’est avec grand plaisir que nous avons partagé avec eux nos lunettes d’éclipse (et une bouteille de Téquila offerte par le maire après l’éclipse).
Nous avons pu commencer notre installation à Cacalotán environ une demi-heure avant le début de la phase partielle, sous un ciel bien dégagé. Mais comme prévu, les cirrus sont arrivés progressivement par le nord. Pendant la totalité, ils étaient encore assez fins, et pas trop gênants pour une observation visuelle, ou des photographies des parties les plus brillantes de la couronne.
L’observation de l’éclipse
A côté des observations visuelles, toujours impressionnantes surtout avec des jumelles, le groupe ADAGIO-SAF a déployé 12 instruments photographiques (lunettes ou téléobjectifs), un « Solarscope » et deux photomètres. Ces matériels ont permis de réaliser de nombreuses photos de l’éclipse.
Par ailleurs, les éclipses solaires totales offrent une opportunité de mesurer avec une grande précision le diamètre du Soleil et ainsi de suivre son éventuelle variation au cours des cycles d’activité. A l’aide de photomètres spécialement conçus, la courbe de lumière de cette éclipse a été enregistrée par Jean-Yves Prado à une cadence de 100 mesures par seconde sur un intervalle de temps encadrant la totalité. L’exploitation des données, demandant une modélisation précise du profil lunaire vu depuis le site d’observation, sera entreprise prochainement.
Comme souvent pendant les éclipses, quelques incidents technologiques sont venus perturber le déroulement des observations. Comme ce logiciel conçu pour piloter les prises de vues selon une séquence enregistrée, et qui a décidé de ne plus dialoguer avec son appareil photo un quart d’heure avant la totalité, obligeant à remplacer la séquence optimisée et maintes fois répétée par des prises de vues manuelles improvisées.
Malgré ces divers aléas et la présence de cirrus dans le ciel, le bilan du groupe est extrêmement positif. L’éclipse a été longue (4 minutes 15 s sur notre site) et spectaculaire. Parmi les souvenirs les plus positifs, nous retiendrons l’accueil du maire et de la population de ce petit village de Cacalotán, et les échanges chaleureux que nous avons eus avec eux ; en plus de la Téquila, musique mexicaine et danses après l’éclipse !