Lors de l’éclipse totale de Soleil du 21 août 2017, l’ombre de la Lune traversait les USA, de la côte Pacifique à la côte Atlantique. L’éclipse avait lieu en milieu de journée, donc avec un Soleil haut sur l’horizon. Les statistiques météo (voir carte ci-dessous établie par Jay Anderson & Jennifer West) conseillaient de choisir un site d’observation dans la moitié ouest du pays, soit, en partant de la côte Pacifique, dans l’Oregon, l’Idaho, le Wyoming ou le Nebraska.

Carte statistique des couvertures nuageuses établie par Jay Anderson & Jennifer West

L’expédition pour observer l’éclipse

Les statistiques météo donnaient un léger avantage à l’Oregon et à l’Idaho ; cependant, le relief montagneux dans ces états n’offrait que peu de possibilités pour un déplacement de dernière minute en cas de ciel couvert. Aussi les membres de l’association ADAGIO ont préféré privilégier la mobilité, en prévoyant une observation dans l’est du Wyoming ou au Nebraska. Pour la nuit précédant l’éclipse, un hôtel avait été réservé à Chadron, petite ville du nord-ouest du Nebraska, certes située en dehors de la zone d’ombre, mais d’où le réseau routier permettait si nécessaire un déplacement facile de plusieurs centaines de km dans la bande de totalité, soit vers l’ouest jusqu’à Riverton dans le Wyoming, soit vers l’est au travers du Nebraska jusqu’à la vallée du Missouri.
Wyoming-Nebraska | Trajet de l'ombre de la Lune
Un dernier point météo vers 2h du matin a conclu que les meilleures chances de beau temps se trouveraient dans la partie est du Wyoming. Nous avons donc pris la route à 4h du matin en direction de l’« Interstate 25 », autoroute qui longe la ligne de centralité entre Casper et Douglas dans le Wyoming, puis plonge plein sud vers Denver au Colorado. Pour différentes raisons, le voyage était organisé en voitures individuelles plutôt qu’en autobus, ce qui donnait plus de flexibilité pour la recherche d’un bon site d’observation. Cependant, nous avons découvert qu’il est très difficile de se garer au bord d’une route aux USA, même avec une voiture individuelle : peu de dégagements sur les bas-côtés, et les rares chemin de traverse sont des entrées de propriétés privées qu’on ne peut se permettre d’obstruer. Et lorsque nous sommes arrivés dans la bande de totalité, toutes les rares places de parking possibles étaient déjà remplies de voitures, plus de six heures avant le début de l’éclipse !

Après deux heures de route, nous avons atteint l’« Interstate 25 », que nous avons prise en direction du sud, vers le parc touristique de Glendo situé sur la ligne de centralité, et susceptible de fournir des opportunités de parking. Au niveau de la bretelle de sortie de Glendo, nous avons trouvé un terrain vague bien dégagé où nous avons pu nous garer facilement. Nous n’avons heureusement pas cherché à traverser l’autoroute pour pénétrer dans le parc de Glendo : l’entrée était complètement saturée de voiture venant du sud, des régions fortement peuplées de Cheyenne et Denver, et dans ce sens l’embouteillage s’étendait à perte de vue sur l’« Interstate 25 » ! 

Peu après notre arrivée, l’intégralité du terrain vague s’est couverte de voitures venues pour l’éclipse. Le site était parfait avec un horizon bien dégagé, et un petit supermarché à l’entrée du parc de Glendo fournissait le soutien logistique ; il était situé à 10 minutes de marche de nos voitures, mais il fallait ajouter 20 à 30 minutes de file d’attente si on voulait passer à la caisse à aller aux toilettes !
En attendant l’éclipse… En hauteur pour être plus près du Soleil ?
En attendant l’éclipse… En hauteur pour être plus près du Soleil ?

L’observation de l’éclipse

A Glendo, situé sur la ligne de centralité, la phase de totalité de l’éclipse avait lieu à 11h45 heure locale, et durait 2 min 30 s. La chance était avec nous : grand beau temps toute la journée.

La photo ci-contre montre un des équipements photo de l’association ADAGIO. Le matériel est installé contre la voiture, qui le protège du vent assez fort ce jour-là. Le trépied est le plus bas possible pour limiter les vibrations, ce qui impose quelques contorsions pour accéder au foyer. Un filtre solaire d’objectif est nécessaire pour réaliser les réglages avant l’éclipse, et le drap noir tendu au-dessus de la tête de l’opérateur permet d’avoir un bon contraste sur l’image. En raison du prix du kg dans les transports aériens, les contrepoids de la monture équatoriale n’ont pas fait le voyage : ils sont remplacés par un sac en tissus que l’on remplit de cailloux récoltés sur place…

Pendant la totalité de l’éclipse des photos sont prises en rafale et s’échelonnent de temps de pose très courts (1/250 s – 200 ISO) pour la couronne interne, à des temps de pose relativement longs (1/4 s – 1600 ISO) pour la couronne lointaine ; sur les photos à longues poses, la couronne interne est complètement saturée. Les temps de pose courts sont programmés en tout début de totalité, tant que la Lune ne masque pas la partie Est de la couronne interne, et en toute fin de totalité lorsque la Lune dégage la partie Ouest de la couronne interne. Toute la séquence de photos doit bien sûr être réalisée dans les 2 min 30 s que dure la totalité.

Ensuite, il reste un très gros travail de traitement d’images pour visualiser à la fois la couronne interne et la couronne étendue sur une même image, et mettre en évidence les structures radiales de la couronne :

  • pré-traitement noir et flat de chaque image
  • recentrage de l’ensemble des images sur les détails de la couronne (et non sur le disque lunaire qui se déplace pendant l’éclipse !). Heureusement lors de l’éclipse d’août 2017, Régulus était visible dans le champ, ce qui facilitait le recentrage.
  • superposition et fusion de toutes les images dont chacune contribue à donner des détails sur une zone étroite de la couronne, d’autant plus éloignée du bord solaire que le temps de pose est long.
  • traitement de cette image fusionnée pour aplatir l’énorme contraste entre la couronne interne et la couronne étendue et faire ressortir les fins détails, en particulier les structures radiales (masque flou, gradients rotationnels, visualisation logarithmique, etc…).
Image de la couronne résultant de la fusion des photos de différents temps de pose prises pendant la totalité.

Trop grand succès pour cette éclipse

Des millions d’Américains se sont rués vers la bande de totalité pour assister à l’éclipse du 21 août 2017, qui traversait leur pays. Il parait que cela a généré le plus grand embouteillage de l’histoire des USA ! En ce qui nous concerne, nous avons déjà évoqué la difficulté à trouver un endroit où se poser pour observer l’éclipse. Mais le retour a été encore plus épique : ayant prévu de prendre l’avion à Denver dès le lendemain de l’éclipse pour le retour vers la France, nous avions réservé pour la nuit suivant l’éclipse un hôtel à proximité de Denver, à Cheyenne. En temps normal, il suffisait de deux heures de route pour regagner Cheyenne depuis notre lieu d’observation ; le jour de l’éclipse, il nous a fallu 10 heures, sur des routes totalement saturées !

Partie touristique du voyage

Il serait risqué de faire de l’observation de l’éclipse, toujours sujette aux caprices de la météo, le seul objectif d’un voyage aussi lointain. Aussi, les deux semaines précédant l’éclipse ont été consacrées à un grand périple touristique de plusieurs milliers de km, afin de visiter les paysages grandioses de l’ouest américain.